L'éloignement du monde : Christian Bobin (extraits 2)
Petit arbre frémissant de lumière, te voir me donne le même cœur que de voir la bien-aimée dans sa robe de quatre sous.
Légèreté de l’oiseau qui n’a pas besoin pour chanter de posséder la forêt, pas même un seul arbre.
Il faudrait accomplir toutes choses et même les plus ordinaires, surtout les plus ordinaires –ouvrir une porte, écrire une lettre, tendre une main—avec le plus grand soin et l’attention la plus vive, comme si le sort du monde et le cours des étoiles en dépendaient, et d’ailleurs il est vrai que le sort du monde et le cours des étoiles en dépendent.
Flux de lumière passante, onde de lumière vivante, beauté de ces lumières qui vont au fond du ciel comme en surface des eaux, énigme de cette beauté impassible, indifférente à notre sort : je n’ai jamais vu autant de splendeur dans le ciel de Pologne, à quelques mètres du camp de concentration de Treblinka.
Christian Bobin