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Echappées.belles
29 décembre 2010

Vive la vie nomade (6)

Longue flânerie les yeux éblouis à travers les rues roses de la ville métissée. O Toulouse ! Ta place du Capitole a des allures de fête, avec son marché aux violettes et aux colifichets, ses noces de chrome qui s’affichent et tintamarrent sur le pavé et toutes ces couleurs qui déambulent légères et décolletées. Tes arcades parfumées sourcillent, palabrent et s’esclaffent dans un cocktail aérien de gaudrioles.  Tes maisons renaissance dressent la tête avec élégance et ouvrent grandes leurs portes sur des cours pittoresques et des escaliers sans fin qui tournoient et s’envolent jusqu'au bleu limpide du firmament . Tes clochers murs augustes  comme des théâtres anciens nous donnent le vertige. Ta basilique romane, avec des assises antiques , de brique et de pierre, apparaît, majestueuse au bout de la rue du Taur. Elle devient flamboyante et divine à la tombée du jour quand le rouge du cieux auréole et caresse le rose. Ses chapiteaux sont des livres d’images saintes ouverts aux gueux et aux analphabètes, ils nous parlent de « mauvais riche » débordant de vanité et d’outrecuidance, cuisant en enfer. Pauvre Lazare ! Les « bons riches » quant à eux l’emportent haut la main et les cœurs charitables sur les deux scènes : l’existence éphémère et dorée sur terre ainsi que la vie éternelle.

Dans tes veines battantes, o Toulouse, se déchaînent  des torrents de musique. Ici, dans la pénombre d’un bar, une plainte de raï étreint, déchire l’air embaumé et nous poursuit au fond du ventre chaud des ruelles jusqu'à la belle rue Saint-Rome. Plus loin une saxophoniste, au minois séraphin, assise contre la vitrine d’un magasin d’antiquités, joue un air intemporel. Elle implore en soufflant quelques centimes et son chien, en crescendos loufoques pleure avec elle. Soudain la musique s’arrête sur un final époustouflant. Elle regarde et sourit à la ronde, revient sur terre. Son chien à ses pieds ne gémit plus. Dans son aumônière fanée, la petite monnaie roule…C’est toute sa fortune. O ton païs ! O Toulouse !

De nos ailes du désir, avec notre soif ardente de connaître et de ressentir, nous flânons, musardons longtemps sous la délicieuse lumière du jour. Et de temps en temps, pour nous griser encore , nous nous posons sur un banc dans un square ombragé, peuplé d’arbres impériaux et d’imposantes statues aux formes insolites, vibrant de créatures chamarrées et volubiles, de volatiles effrontés et d’enfants délurés folâtrant dans l’herbe tendre et rase. Des jets d’eau et d’étincelles  au pied  d’un donjon orphelin, de pierres ocres, rafraîchissent et complètent le tableau qu’aurait pu représenter l’éblouissant Chagall dans une période rose… 

             

Et sur le retour, transportés encore par l’éclat et la splendeur de la ville, de l’autre côté du périph’, dans des zones informes de béton et de bitume, Zebda et sa troupe « épicée », motivée, s’invitent avec fougue à nos tympans incultes et réclament leur tour, repeinte en rose, fébrilement, pleinement :                                       

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                           

« Dans mon quartier...
Dans ma cité
C'est épicé
Et moi j'aime ça
Je butine
Mes racines
Sont latines
Et de bien au delà
J'ai dans l'idée
Qu'on peut aimer
Et la violette et l'odeur du Tajine au naseau … »

Et en écho aux airs enlevés de

la Haute-Garonne

, répondent les chansons des rues de Saint-Denis, Cité aux tours basilicales ou sans créneaux :

«Vu de ma fenêtre, y’a que des bâtiments

Si j’te disais que je vois de la verdure, tu dirais que je mens

Et puis pour voir un bout de ciel, faut se pencher franchement

Vu de ma fenêtre, y a des petits qui font du skate,
                                      ça fait du bruit t’as mal à la tête

Et puis y a en bas des gars qui galèrent

Ils sont là, ils font rien, ils prennent l’air

Surtout le printemps, surtout l’été, surtout l’automne, surtout l’hiver

Vu de ma fenêtre, je vois pas mal d’espoir

Quand je vois le petit blond jouer au foot avec le petit noir

Quand je vois des gens qui se bougent

Quand je vois des gens qui se mettent des coups de pied au cul

Pour sortir de la zone rouge

Et pour que la vie vaille le coup d’être vécue

Quand je vois ces deux hommes qui boivent un coup ensemble en riant

Alors qu’ils sont soi-disant différents

Parce que l’un dit « Shalom » et l’autre dit « Salam »

Mais putain ils se serrent la main, ça a l’âme de mon slam… »*

                            * extrait de « Midi vingt », de « Grand corps malade »

                                                                                    

A suivre,  « la vie nomade », avec arrêts fréquents, continue… 

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