Eloge de la poésie : E Morin et Pablo Néruda
Éloge de la poésie
"Vivre de prose n’est que survivre. Vivre, c’est vivre poétiquement.
L’état poétique est un état de participation, communion, ferveur, amitié, amour
qui embrase et transfigure la vie. Il fait vivre à grand feu dans la
consumation (Bataille), et non à petit feu dans la consommation.
L’état poétique porte en lui la qualité de la vie, dont la qualité esthétique
qu’il peut ressentir jusqu’à l’émerveillement devant le spectacle de la nature,
un coucher de soleil, le vol d’une libellule, devant un regard, un visage,
devant une œuvre d’art…
Il porte en lui l’expérience du sacré et de l’adoration, non dans le culte d’un
dieu, mais dans l’amour de l’éphémère beauté.
Il porte en lui la participation au mystère du monde."
Edgar Morin
Le Paresseux
Des choses de métal continueront
à voyager entre les étoiles,
des hommes exténués monteront,
violenteront la douce lune
pour y fonder leurs pharmacies.
En ce temps de plein raisin
le vin commence sa vie
entre la mer et les Cordillères.
Au Chili dansent les cerises,
chantent les jeunes filles obscures
et l’eau brille sur les guitares.
Le soleil touche toute porte
et fait des miracles avec le blé.
Le premier vin est rosé,
il est doux comme un enfant tendre,
le second vin est robuste
comme la voix d’un marin
le troisième vin est une topaze,
un coquelicot et un incendie.
Ma maison a mer et terre
ma femme a de grands yeux
couleur des noisette sylvestre,
lorsque la nuit vient la mer
s’habille de blanc et de vert
et la lune ensuite sur l’écume
rêve comme une fiancée marine.
Je ne veux pas changer de planète.
Vaguedivague, 1958
revue par Mélina Cariz