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Echappées.belles
6 décembre 2010

Lettre à mon magazine

Monsieur le directeur du magazine,

Monsieur le rédacteur en chef,

Mesdames et messieurs les journalistes,

 

Je vous lisais chaque semaine avec infiniment de plaisir depuis de nombreuses années. Voyez-vous, pour ne rien vous cacher, tous les jeudis matins, je guettais même fébrilement le facteur, pour qu’il me distribue ma revue en mains propres, ou sales d’ailleurs, noires de terre collante, quand je l’épiais de mon potager par temps de pluie, semant des graines de pensées ou repiquant quelque asperge du pauvre. Mais je me rends compte avec tristesse que nous n’opérons plus dans le même registre. Laissez-moi vous dire, pour la culture, que l’asperge du pauvre signifie vulgairement le poireau, mais je  doute que notre champ lexical soit le même, vous à Paris, moi au fin fond de mon terroir !

 J’en oubliais même les factures qui, régulièrement, y étaient adjointes. Je vous lisais donc avec joie, je vous parle à l’imparfait, si mes souvenirs de la communale restent bons, car depuis quelques temps, pour me rendre à la boîte aux lettres, je traîne les pieds… disparu l’élan d’enthousiasme, émoussée la fougue de la passion, envolé tout cela sans espoir de retour. Me voilà orphelin !

 

Et pourtant combien vos écrits m’ont été bénéfiques ! Vous avez contribué avec vos articles éclairés, argumentés, à m’informer, à construire, à aiguiser mon esprit critique sur les faits de société, sur les évènements du monde. Bien sûr, certaines de vos prises de position m’ont irrité, m’ont fait réagir avec véhémence. D’autres m’ont remis en question dans ma vie quotidienne, et beaucoup m’ont conforté dans mes opinions, m’ont permis de les affiner, de les approfondir. Tout ceci est du passé… composé comme on dit à la communale.

 

A présent, je dois vous avouer que je me reconnais de moins en moins dans votre ligne éditoriale, dans le fond et dans la forme. Vous êtes-vous, au fil des pages, assujettis à certains pouvoirs de pression ? Mesdames et messieurs les journalistes qui traitez de politique intérieure et extérieure, il me semble que vous mettez de plus en plus d’eau dans le vin libéral et le breuvage me semble aujourd’hui bien fade, douçâtre, écœurant. Je n’entends plus vos coups de gueule contre cet ordre inique qui laisse circuler librement toutes les devises, toutes les marchandises, et seulement certains hommes, triés sur le volet. Et revive la croissance, dites-vous en hurlant avec les loups et les bulldozers !

 

Messieurs de la culture, confortablement assis dans vos salons, êtes-vous devenus bedonnants et redondants, au point de me ressasser toujours les mêmes plats, les mêmes plateaux, les mêmes scènes, les mêmes pontifes? Où est la place à l’audace, au rebelle, à l’insoumis ? Je vous sens tellement essoufflés, si pusillanimes…

 

A commencer par la forme ! Aujourd’hui, votre papier glacé me glace, m’horripile. Tout cet emballage dispendieux me semble dépassé. Et puis surtout je ne supporte plus la ponctuation de chacun de vos articles par toutes ces tranches criardes, ostentatoires, immondes, scandaleuses de publicité. Et quelle publicité ! Pas le petit Lu, l’objet anodin à la portée de toutes les bourses, la mienne. Non la béhème pour les nouveaux bobos bohèmes, ou la proposition de vente d’un château de la Loire, et les cibles seraient vos lecteurs, moi en l’occurrence ! Mais messieurs, il me faudrait mille et une vies d’artiste indépendant pour honorer les traites. Il faut bien vivre, me direz-vous ! J’en connais d’autres qui ne se prostituent pas de la sorte au secteur économique. Et qui gardent leurs lecteurs. Je m’en vais les rejoindre.

Et puis, ces images glacées, annonces immobilières de châteaux en Périgord, de les voir effrontément en face d’un article traçant la vie de ces enfants d’ailleurs, rongés par la faim, m’exaspèrent, insupportent.

Et je ne vous parle pas de ce glissement progressif vers une acceptation de ce monde qui marche sur la tête. Où sont les propositions alternatives, pour un avenir plus juste, plus humain ? Je ne m’y retrouve plus. Permettez-moi de vous dire ouvertement que vous faites fausse route et que désormais nos chemins divergent.

Aussi pour toutes ces raisons, j’ai l’honneur de vous déclarer qu’à ce jour je suspends mon abonnement pour une durée indéterminée.

 Un lecteur, somme toute, très modeste

 

Ps : pour ne rien vous cacher, pour vous remplacer avantageusement, j’ai trouvé deux autres revues qui m’enchantent, prônant l’engagement écologique, citoyen et solidaire. Il s’agit de « Politis » et de « l’âge faire ». Prenez-en de la graine, parole de jardinier.

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