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Echappées.belles
8 décembre 2010

Amour courtois

 


 

 

 Deux très jeunes amoureux passent, légers comme des oiseaux, bras dessus bras dessous couverts de soyeux duvet, devant la voiture dans laquelle je savoure un conte de ce siècle en attendant le retour de ma douce Emma, manipulée dans l’austère cabinet d’un chiropracteur.

Ils s’arrêtent à ma hauteur. Leur souffle intime et brûlant tel une flamme lèche ma fenêtre impudique. Ils ne m’ont pas vu, je me fais tout petit devant l’aimable poupée et son chevalier servant. L’amour courtois n’a pas d’âge. Et je ne veux être le voyeur d’un long et fougueux baiser échangé sous le ciel cotonneux, d’une idylle romanesque esquissée sous les tilleuls protecteurs. Adieu routes tracées, voies policées, adieu les jours moroses. Place et tapis rouge de feuilles sous les pas aériens des enfants qui s’aiment.

Intrus et honteux, je me recroqueville et disparais dans mon fauteuil de petit-bourgeois sédentaire et rassis. J’attends invisible et courbaturé l’envol guilleret des tourtereaux. J’ose enfin un coup d’œil furtif du fond de mon siège.

Stupeur ! L’oiseau gracile a fait place à un butor laid et bavard : de sa poche revolver qui sonnait effrontément, il a dégainé son portable et braillé d’une voix vulgaire :

- Non, Fred, je glande, J’arrive tout d’suite !

La colombe amère dans un battement de cils prestement s’envole vers des yeux plus cléments, sur des rivages clairs. Sur sa joue lisse et régulière des perles roulent.

 

La nuit va bientôt tomber sur la ville. Les rues frileuses s’habillent de lumière. J’ai refermé mon beau livre de poche ensommeillé. J’ai marché jusqu’à la pâtisserie voisine et j’ai demandé deux chaussons aux pommes que nous dégusterons tout à l’heure éblouie en écoutant l’harmonie apaisante et immémoriale de la mer.

 

 

 

 

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