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Echappées.belles
7 décembre 2010

Jeannette

 

“Vivre c’est pour apprendre

A bien poser la tête

sur un ventre de femme” 

 E Guillevic



Chez Jeannette, chaque semaine, entre chien et loup, je vais chercher mes œufs. De suaves parfums d’omelette craquante me chatouillent déjà les papilles. Dans ma tête, j’en fais déjà tout un plat ! Prise entre amoureux, avec une petite salade de blé tendre, parfumée à la ciboulette de notre jardin d’agrément. Oh je rêve et instinctivement, les yeux fermés, j’arrive chez Jeannette, comme un vieux cheval éprouvé.

Ses oeufs ne sont pas pondus anonymement en grande surface et distribués en batterie, sous des lumières artificielles, sans tâche et calibrés : ils sont les fruits d’une dizaine de poules, élevées sans précipitation ni stress au milieu des friches et des prés, se nourrissant de vers et de blé, d’eau fraîche et d’herbe verte , pondant quand bon leur semble et où leur chante pourvu que la paille y soit sèche, odorante et dorée.

Ils se cueillent délicatement avant le crépuscule comme des fraises des bois, dans les creux chaleureux des étables, dans les recoins oubliés de la grange. Chaque génitrice a son lit propre et douillet qu’elle défend bec et ongles contre les rivales potentielles et les mains prédatrices de Jeannette. Parfois elle les couve et quelque temps plus tard un chapelet de soleils minuscules déambule derrière la masse dodelinante de la bonne mère.

J’entre dans la cuisine surchauffée de Jeannette, assailli sans acrimonie par ses jeunes chiens exubérants. Elle est heureuse de recevoir. Place à une parole fraîche. Son époux, depuis un bon demi siècle, ajourne pour un temps ses rengaines. Des nouvelles enfin ! De Paul, Pierre, Léontine, Andrée et Madeleine sans oublier la petite famille.

- Oui, oui, il va bien. Des douleurs dans le dos. mal d’époque ! Le travail, ah non, elle n’a pas encore déniché. il faudra bien un jour le partager…Ah ! Ces chinois ! Quel charabia ! Ah bon, faut bien qu’ils vivent un peu !

 Entre autres mots...Oh quels maux !

Aujourd’hui et depuis que l’automne s’est installé avec son cortège de journées humides et étriquées, son soleil parcimonieux, ses poules, d’habitude si fécondes se tarissent, se renferment dans leur coquille : le fruit de ses entrailles attendra des auspices plus propices.

Apercevant mon désappointement, en femme noble et plantureuse, Jeannette court me chercher quatre belles côtelettes de mouton, une de ces bêtes nourries au lait maternel, puis à l’herbe grasse de sa prairie.

“Tiens, prends-les, dit-elle, ce sera à la place de l’omelette, avec une petite salade de blé tendre, entre amoureux ! ”

Et, consolé, je rougis comme un polisson. Voilà, c’est du Jeannette !

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