Pastorale : Pablo Néruda
Je copie des montagnes des fleuves des nuages
Je sors ma plume de la poche, je note
Un oiseau qui s’élève
Ou une araignée dans sa fabrique de soie
Rien d’autre ne me vient à l’esprit : je suis air
Air ouvert, où circule le blé
Et un vol m’émeut, l’incertaine
Direction d’une feuille, l’œil rond
D’un poisson immobile dans le lac
Les statues qui volent dans les nuages
Les multiplications de la pluie.
Il ne me vient d’autre à l’esprit que l’été
Transparent, je ne chante que le vent
Et ainsi passe l’histoire avec son chariot
Recueillant des linceuls et des médailles
Et elle passe, et je n’écoute que les fleuves
Je reste seul avec le printemps
Berger, berger, ne sais-tu pas
Qu’ils t’attendent ?
Je le sais, je le sais, mais ici près de l’eau,
Tandis que crépitent et chantent les cigales
Bien qu’ils m’attendent je veux m’attendre
Moi aussi je veux me voir
Je veux savoir enfin comment je me sens
Et lorsque j’arriverai où je m’attends
Je m’endormirai mort de rire.
Pablo Néruda